La prostitution en Belgique

« Je suis en colère aussi parce que c’est dur de sortir de ce que j’ai vécu et je ne trouve pas ça normal. Maintenant que j’essaie de faire quelque chose de bien avec ma vie, il n’y a plus personne, tout se ferme. C’est révoltant. » Gabriela

Abolitionniste dans les textes, mais pas dans la réalité : la Belgique est connue en Europe pour ses vitrines et son laisser-aller en matière de proxénétisme. Plaque tournante de réseaux, elle laisse fleurir bordels et autres eros-centers, sans entendre les alertes des associations qui accompagnent les personnes prostituées sur le terrain. isala s’inquiète de l’évolution des mesures belges qui se rapprochent désormais de celles des pays ayant dépénalisé le proxénétisme et où la traite des êtres humains ne fléchit pas, bien au contraire.

Pour les droits des personnes prostituées, contre la dépénalisation du proxénétisme

La crise sanitaire liée au covid en 2020 avait mis en évidence le manque de moyens à disposition des associations pour accompagner les personne en situation de prostitution, mais aussi le manque de recours dont elles disposent pour être aidées et sortir du milieu, étant donnée l’absence de reconnaissance par la Belgique de leur vécu comme violence. Un article des Grenades retrace l’expérience d’isala pendant cette période particulière, qui a finalement mis en évidence la tolérance de la Belgique pour le système prostitutionnel, les proxénètes et les clients : « Prostitution et coronavirus: « On a constaté le sentiment d’impunité des clients » ».

C’est la récente réforme du code pénal qui inquiète aujourd’hui isala et ses alliées féministes abolitionnistes. En juin 2021, isala coordonne une note technique alertant sur les mesures du code pénal visant à dépénaliser certaines formes de proxénétisme. Signée par plus de 30 associations belges féministes et de terrain, la note est partagée avec les responsables politiques, puis présentée aux membres de la Commission de la justice lors de rencontres et d’audition formelles à la Chambre. Avec le réseau FACES (Réseau des Associations Féministes Contre les Exploitations Structurelles), ou aux côtés de la Fondation Samilia, SOS Inceste et le Mouvement pour l’égalité entre les femmes et les hommes, des événements et des manifestations sont organisées, pour faire entendre la voix des associations et des survivantes.

Approuvé par la Chambre en mars 2022, le code pénal belge représente un recul pour les droits des femmes et des filles en matière de prostitution, même s’il apporte des éléments positifs sur les infractions sexuelles. Le média Les Grenades relativise l’engouement pour cette réforme en partageant son entrevue avec Mireia Crespo, la directrice d’isala. En permettant l’embauche d’une personne en vue de la prostitution, le code pénal donne un message sociétal inquiétant : il banalise la prostitution comme un « travail », transforme les proxénètes en employeurs et affaiblit la politique belge de lutte contre la traite des êtres humains. Dans un contexte d’hypersexualisation véhiculée par la publicité ou les réseaux sociaux, isala s’inquiète de l’impact de ces mesures sur les relations filles-garçons et sur l’efficacité des campagnes promouvant l’égalité et le consentement.

La très grande majorité des personnes prostituées dans l’industrie légale sont toujours des femmes étrangères victimes de la traite des êtres humains. En mai 2015, lorsque la police fédérale belge a annoncé qu’il y aurait 26 000 personnes en situation de prostitution en Belgique, elle a précisé que l’écrasante majorité de ces personnes sont exploitées ou victimes de traite.

Porter le projet de société abolitionniste auprès des politiques belges

Le Plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024 se donne comme objectif de soutenir les associations développant un parcours de sortie volontaire et des programmes d’insertion socio-professionnelle pour les personnes en situation de prostitution, et inclut la prostitution dans toutes les mesures transversales sur les violences sexuelles et sexistes. Le Plan d’action national 2021-2025, quant à lui, complète cette mesure en visant des hébergements spécialisés ainsi que des mécanismes d’accompagnement pour les personnes souhaitant sortir de la prostitution. Pour accompagner sa mise en œuvre et son évaluation, une Plateforme nationale de la société civile est créée en 2022 et isala en est membre, aux côtés de 15 autres associations et structures dont l’action est liée au soutien et accompagnement des femmes victimes de violences, ainsi qu’à la sensibilisation au phénomène des violences contre les femmes. C’est dans ce cadre qu’isala développe un plaidoyer fort pour l’accès des victimes du système prostitutionnel aux différents services existants.

Les messages politiques d’isala, basés sur son action de terrain, sont régulièrement relayés par les médias, comme AlterEcho, Les Grenades, Moustique (dossier 2020 « Prostitution : le plus vieux débat du monde ? »), Le Soir, Cause Commune (article sur isala), Clara Magazine, Prostitution & Société.

Plus de 18 médias ont relayé la marche des survivantes en Wallonie et en Belgique. isala a également été invitée sur des plateaux télé, en particulier en 2015 : au journal télévisé de la RTBF pour commenter le procès du Carlton, et sur RTL dans l’émission “Pour ou contre” qui invitait sans complexe un proxénète sur son plateau ainsi que six autres intervenant.es banalisant la prostitution.