Le 17 avril 2023, le Comité de bioéthique belge a rendu un avis (n°86) relatif à l’encadrement légal de la gestation pour autrui (la GPA, encore appelée maternité de substitution, ou grossesse pour autrui), afin d’actualiser l’avis n°30 du 5 juillet 2004. Dans cette analyse, la CIAMS, l’Université des Femmes et le collectif Belgian Women against Surrogacy, dont l’asbl isala fait partie, expriment leur profonde inquiétude et désaccord avec le texte.
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Contre l’avis n°86 du Comité consultatif de bioéthique de Belgique
Le 17 avril 2023, le Comité de bioéthique belge a rendu un avis (n°86) relatif à l’encadrement légal de la gestation pour autrui (la GPA, encore appelée maternité de substitution, ou grossesse pour autrui), afin d’actualiser l’avis n°30 du 5 juillet 2004. En effet, le ministre des Affaires Sociales et de la Santé Publique Frank Vandenbroucke a adressé une demande au Comité afin de revoir la politique sur la maternité de substitution. En Belgique, la GPA est pratiquée mais n’est pas réglementée, elle n’est donc ni interdite ni légalisée pour autant.
Nous sommes en total désaccord avec cet avis du Comité, sur l’ensemble des points qui sont énoncés, tous sans exception étant en faveur de la légalisation de la GPA sur le territoire. Se faisant le relais du marché qui cherche à développer la marchandisation des corps des femmes et de la réification des enfants, l’avis passe outre de façon flagrante aux droits des femmes et des enfants.
D’ores et déjà, notons que les parties et experts auditionné.es, défendent toutes et tous la gestation pour autrui avec ferveur ; et qu’aucune organisation de défense du droit des femmes ou d’avis opposés à la GPA n’a été entendue. Ce rapport est donc de facto biaisé par un ensemble de partis-pris en faveur de la GPA, il n’a donc aucune valeur objective.
Aussi, nous tenons à rendre visible l’ensemble des situations plus qu’inquiétantes qui sont énoncées dans cet avis, voire qui sont dangereuses pour le respect du rôle des institutions, le respect du droit des femmes et le respect du droit des enfants.
Utiliser des termes, élaborés et vulgarisés par le marché, pour édulcorer et invisibiliser la violence de la GPA à l’égard des femmes exploitées pour leur capacité reproductive
A juste titre, le comité remarque que les termes employés ne sont aucunement neutres et sont le fruit de prises de positions sous-jacentes.
Ainsi, le début du rapport justifie le choix des termes utilisés, comme femme gestatrice ou parents d’intention. Or, ces termes ne sont d’aucune façon objectifs ou scientifiques ; mais ils reflètent les vocables du marché. Dès les premières lignes nous comprenons la position du comité : une position en faveur de la GPA, avec un point de vue centré exclusivement sur l’intérêt et la satisfaction des clients.
GPA, une définition orientée
Dans cet avis, la GPA est définie comme « la pratique par laquelle une femme porte un embryon puis un fœtus, et poursuit la grossesse jusqu’à la naissance de l’enfant avec l’intention de transférer ensuite tous ses droits et devoirs parentaux au(x) parent(s) d’intention » (1).
Ici, la définition concerne exclusivement la mère porteuse, seule actrice de la pratique, qui prendrait l’initiative de cette grossesse pour le plaisir d’autrui.
Contrairement au Comité, nous choisissons de nous placer du côté des droits des femmes et soutenons une définition de la maternité de substitution qui montre que les femmes sont instrumentalisées au profit d’autrui dans cette pratique et qu’elle n’en sont pas les instigatrices dans: « Une pratique consistant à recruter une femme, contre rémunération ou non, afin de lui faire porter un ou plusieurs enfants, conçu(s) ou non avec ses propres ovocytes, dans le but de le ou les lui faire remettre à une ou plusieurs personnes qui souhaitent être désignées comme parents de ces enfants ».
« Parents d’intention », des commanditaires considérés comme les auteurs de l’enfant !
Au nom de leur « souhait de parentalité », les personnes qui ont recours à la GPA pour se procurer un enfants sont d’emblée honorés comme « parents d’intention », une notion proche de celle de propriété intellectuelle. Mais être parent présuppose la naissance d’un enfant, l’intention ne crée pas le parent, c’est bien la naissance de celui-ci qui le crée. Et comme la GPA est une transaction financière, au terme « parent d’intention » nous préférons celui de clients ou commanditaires puisque, c’est bien une commande qui est ordonnée par les clients avec l’objectif d’obtenir un enfant et sa filiation.
Femme gestatrice pour effacer la mère et la maternité
En choisissant l’expression de « femme gestatrice » (2) pour remplacer celle de « mère porteuse », les membres du Comité choisissent délibérément d’effacer la place de la femme en tant que mère, et sa maternité, dans cette procédure et réduisent celle-ci à la fonction de son utérus. Rappelons aussi que dans un langage correct, c’est l’organe qui est gestateur, jamais la personne et qu’il est déshumanisant de désigner une personne par un élément de son anatomie.
En lui déniant cette maternité, le Comité vise habilement à éliminer la possibilité qu’elle puisse revendiquer la filiation avec l’enfant qu’elle a mis au monde. Enfin, cette terminologie misogyne bafoue les définitions juridiques et d’usage du mot mère. Une mère est « une femme qui a mis au monde ou qui a adopté un ou plusieurs enfants ».
GPA de haute technologie et de basse technologie
Les rédacteurs de l’avis ne souhaitent pas différencier les « GPA de haute technologie et GPA de basse technologie » (3). En effet, la GPA de basse technologie, sous-entend une insémination artificielle, où la mère porteuse est génétiquement reliée au nouveau-né. La GPA de haute technologie, quant à elle, est plus dangereuse que l’insémination artificielle, puisqu’elle est réalisée par fécondation in vitro (FIV), avec un double don de gamètes, mâles et femelles, toutes étrangères à la mère porteuse. Ce choix technologique a été généralisé, pour éliminer la mère porteuse de la généalogie de l’enfant à naître et lui dénier le qualificatif de mère. Pour autant, elle demeure la mère biologique de l’enfant, au nom du processus biologique qu’elle, et elle seule assume, qui est la grossesse suivie de l’accouchement.
Présenter la GPA comme progressiste en lui associant le qualificatif d’éthique
Une GPA éthique ne peut exister
Afin de ne pas être soupçonné d’encourager l’exploitation du corps des femmes ou de réifier les enfants, le Comité revendique une GPA dite « éthique ou altruiste », en opposition à la GPA commerciale. De ce point de vue, les mères porteuses perçoivent une compensation – dont les composantes ne sont pas définies dans l’avis du comité – et non une rémunération, en échange de la remise de l’enfant (4). Mais cette compensation est bien la contrepartie de la remise de l’enfant.
L’ensemble du processus de GPA qu’on le qualifie d’altruiste ou pas , est réalisé sur un mode commercial, où les parties prenantes – laboratoires, médecins, psychologues, avocats, publicitaires etc. –, ne sont aucunement astreintes à modérer leurs émoluments. Tous touchent une rémunération, à l’exception de la mère porteuse. De ce fait, toutes les GPA sont commerciales par nature, quelles que soient les stratégies développées pour en atténuer la brutalité.
Face au désir d’enfant inassouvi, la compassion s’exerce souvent en faveur des commanditaires, et par souci d’atténuer les aspects dommageables de la GPA, c’est la version réglementée, limitée à des cas prédéfinis, qui est mise en avant, qualifiée d’altruiste ou d’éthique, pour en suggérer l’innocuité. Or, cette modalités de mise en œuvre de la GPA n’atténue en rien les risques que prend la mère porteuse pour sa vie et sa santé et ne change rien au fait que l’enfant fait l’objet de tractations mercantiles Encore une fois, cette approche est tournée essentiellement vers la satisfaction de la demande au détriment des mères porteuses et des enfants qui en naissent. Son habillage juridique et marketing contribue à donner bonne conscience à tous les nombreux acteurs de la pratique et à la présenter comme socialement acceptable au grand public.
L’usage du qualificatif d’éthique est, en soi, abusif. La GPA relève de la violence reproductive exercée à l’égard des femmes. Aucune violence ne peut être administrée de façon éthique, la GPA ne peut l’être elle non plus.
Enfin, en déplorant que : « le processus peut être long et difficile pour les parents d’intention qui souhaitent réaliser une GPA en Belgique, et ce particulièrement pour les couples homosexuels masculins puisqu’ils doivent également trouver une donneuse d’ovules » (5), le comité prend fait et cause pour le seul parti des clients et ne prend jamais en considération la condition des mères porteuses. Ignore-t-il que toute grossesse est risquée et que les grossesses de GPA le sont davantage ? Ignore-t-il que les mères porteuses, pour accepter de s’engager dans cette pratique, en espèrent une amélioration de leur situation économique ? Ignore-t-il que la situation sociale et économique des mères porteuses est largement inférieure à celle des commanditaires ? Ignore-t-il que tous les contrats de GPA, exigent des mères porteuses qu’elles abandonnent leurs droits fondamentaux pendant toute la durée de leur grossesse ? Et enfin, que priver les mères porteuses de leurs droits aux profits des commanditaires est injustifiable ?
Une pente glissante vers le développement de la GPA commerciale
Le rapport mentionne une « évolution dans l’acceptation sociétale de la GPA (par) de plus en plus de pays (qui) prévoient un cadre légal » (6). Baser un raisonnement sensé se prévaloir de neutralité, sur le critère d’une soi-disant évolution de la société en faveur de la GPA, – comme si toute évolution était forcément bénéfique – n’est pas acceptable pour un comité de bioéthique rendant un avis qui touchera de nombreuses femmes.
Cet avis met en avant les pays où la GPA est accessible légalement, États-Unis, Canada, Grèce, Royaume Uni … sans pour autant rappeler que la très grande majorité des pays de l’UE interdisent la GPA, au nom de la dignité humaine.
Les rédacteurs évitent aussi d’expliquer que là où les États ont tenté d’organiser la GPA, en la réglementant pour en limiter les excès et tenter de protéger toutes les parties, les maigres protections accordées aux mères porteuses et les dispositions prises pour éviter les risques de traite humaine ont rapidement été édulcorées. Ne citons ici que le cas de la Grèce qui en 2005, voulant réguler la GPA altruiste sur son territoire, a d’abord restreint la possibilité d’être mère porteuse aux seules résidentes grecques, pour finalement recruter des femmes étrangères… par manque de candidates ! Cette évolution a directement participé à la traite humaine européen et au développement de réseaux mafieux (7). Des évolutions semblables sont observables en Hollande ou au Royaume-Uni (8).
Selon les rédacteur, la situation Belge, qui ne réglemente ni ne condamne la GPA, serait responsable d’un « manque de sécurité juridique » (9). Leur préoccupation de sécurité juridique ne s’étend, là aussi, qu’aux seuls commanditaires et à leur souci de se voir garantir l’obtention de l’enfant et sa filiation sans que la mère porteuse puisse se mette pas en travers de leur projet. Or, des agences qui promeuvent la GPA, reconnaissent qu’il existe plus de risques que les commanditaires abandonnent les enfants à la naissance, que de risques que les mères porteuses n’en réclament la garde. Les enfants nés de GPA, rejetés par les commanditaires étrangers en Ukraine, représentaient, la moitié des enfants admis chaque année en orphelinat (10).
Détourner des concepts, jusque-là centrés sur l’émancipation des femmes et la protection de la dignité humaine, pour créer l’illusion d’une pratique socialement acceptable
- Évoquer « l’autonomie personnelle (11) », c’est-à-dire le libre choix des commanditaires en matière de GPA, revient à leur concéder un droit à l’enfant, associé à un droit d’exploiter une tierce personne pour assouvir ce désir érigé en droit. Avancer « le droit à disposer de son corps » (12) ainsi que le soi-disant consentement éclairé des femmes, comme constitutifs de leur liberté à s’enrôler comme mère porteuse, déresponsabilise l’ensemble des acteurs de cette pratique et leur offre une bonne conscience. La revendication féministe portant sur le droit à disposer de son corps s’applique à l’ensemble des femmes sur lesquelles pèse la contrainte à la reproduction. Le néolibéralisme à détourné cette revendication pour en donner une interprétation individualiste au bénéfice du marché.
- Mettre sur le même plan GPA, contraception et interruption de grossesse en tant que choix d’engendrement (13), confine à l’escroquerie intellectuelle. En effet, la GPA n’est pas un choix, mais un acte délibéré d’exploitation d’une tierce personne. La contraception et l’avortement, en revanche, sont l’expression d’une liberté pleine et entière au regard de choix de procréation, par et pour soi-même.
- Affirmer que la GPA est une forme de « solidarité reproductive » (14), est une inversion inouï du concept de solidarité, qui s’exerce ici du plus faible envers le plus fort. Effectivement, la dissymétrie économique et sociale entre clients commanditaires et mères porteuses est largement démontrée.
- Prétendre que les clients n’achètent pas un enfant, mais une « prestation de grossesse » (15), est une argutie juridique qui relève de la mauvaise foi ou d’un déni de réalité. En effet, dans la GPA, les commanditaires exigent un enfant de la mère porteuse et une filiation avec ce dernier, peu importe les risques qu’elle prend.
- Le corps humain ne serait pas « indisponible » (16) puisque « une personne peut poser elle-même des actes de disposition concernant certaines parties du corps, pour des motifs humanitaires, thérapeutiques ou de participation à une recherche scientifique » (17). Or, la grossesse engage, non pas une partie du corps, mais l’entièreté des corps qu’elle utilise. De plus, la GPA ne sauve pas de vie, ne guérit personne, et n’apporte rien à la science ou à la société. Elle fonctionne sur le principe de la disposition du corps de la mère porteuse, de la gestation à l’accouchement et même au-delà. Elle fonctionne aussi sur la disposition d’un enfant par contrat. Or, le fait de disposer d’un être humain, est une atteinte à la dignité humaine que l’abolition de l’esclavage a normalement proscrite.
Instrumentaliser la Jurisprudence de la CEDH
En mentionnant la jurisprudence issue de la Cour européenne des droits humains (CEDH) depuis plusieurs années, les auteurs du rapport ont volontairement mis en avant les arrêts condamnant les États qui ne reconnaissaient pas les liens de filiation entre commanditaires et enfants nés de GPA à l’étranger. Sont alors évoqués le « droit au respect de la vie privée et familiale »(18) et « l’intérêt supérieur de l’enfant » (19) avec la mise en avant d’arrêts comme celui de Mennesson c. France du 26 juin 2014 où la CEDH a rendu raison au couple de commanditaires, en condamnant la France.
Mais les auteurs évoquent seulement de manière partielle et en note de bas de page le cas de l’affaire Paradiso et Campanelli c. Italie du 24 janvier 2017, où la CEDH avait, dans un premier temps, donné raison en 2015 au couple italien en reconnaissant le droit à fonder une famille. Mais la CEDH est revenue, par la suite, sur sa jurisprudence en 2017 en reconnaissant le droit du gouvernement italien à ne pas reconnaître la filiation en l’absence de lien biologique afin de « protéger l’enfant contre des pratiques illégales, dont certaines peuvent être justement qualifiées de traite humaine » (20) selon l’Institut européen de bioéthique.
Omettre la suite de ces arrêts est une tactique volontaire et une instrumentalisation des décisions juridiques de la CEDH pour n’en montrer que les aspects propices à la justification du recours à la GPA
Aller jusqu’à recommander l’exécution forcée des contrats (en faveur des commanditaires)
Les experts regrettent que le gouvernement belge ne reconnaisse pas les contrats de GPA, cette pratique n’étant pas réglementée, les contrats sont donc nuls. Ils citent l’arrêt 56/2023 du 30 mars 2023, de la Cour constitutionnelle (§ B.4) qui précise que « bien que la gestation pour autrui ne soit pas réglementée en droit belge, elle est pratiquée de facto en Belgique. En revanche, tout contrat destiné à lier les parties impliquées dans une gestation pour autrui, par exemple concernant la remise de l’enfant à la naissance, est illicite. Un tel contrat ne produit aucun effet juridique et ne pourra faire l’objet d’aucune exécution forcée » (21).
L’avis commente cette citation de la façon suivante : « Cette affirmation n’est accompagnée d’aucune explication et d’aucun développement. Elle ne va cependant pas de soi » (22). Le comité se place donc ouvertement en faveur d’une exécution forcée des contrats et, semble-t-il, dans le seul but de protéger les clients dans le cas où la mère porteuse ne fournirait pas l’enfant en décidant de le garder. L’exécution forcée de tels contrats iniques est choquante, le point de vue partial qui en envisage la possibilité exclusivement en faveur des clients pour la remise de l’enfant par la force l’est tout autant. Pourquoi ne pas être allé jusqu’au bout du raisonnement et envisager symétriquement l’exécution des contrats par les commanditaires dans les cas où ils refusent de prendre en charge l’enfant commandé, comme dans le cas bien connu de « baby Gammy » (23), né trisomique, où les clients ont choisi de ne garder que sa jumelle en bonne santé. Pour nous, faire naitre un enfant par contrat est une entreprise de déshumanisation à combattre.
Louer la GPA et dénigrer l’adoption
Les experts expliquent que la GPA et l’adoption sont deux pratiques qui n’ont rien en commun. Selon eux, dans les cas d’adoption les parents n’obtiennent que « des liens juridiques » (24) à l’inverse de la GPA où les parents sont désignés, dès la naissance de l’enfant, comme ses parents légaux et l’enfant n’est pas considéré comme né « d’une autre personne et en rupture avec sa famille d’origine » (25). Les experts rejettent donc la procédure pratiquée par la majorité des pays qui consiste à octroyer la filiation au commanditaire qui a fourni le sperme en raison du lien génétique qui le relie à l’enfant, et à organiser une procédure d’adoption de l’enfant pour son époux ou épouse. Les experts souhaitent que d’emblée la filiation soit octroyée aux deux commanditaires. Ils effacent ainsi, pour l’enfant, toute information sur ses origines et la façon dont il est venu au monde.
Les experts justifient cette attribution automatique de la parentalité aux commanditaires par le fait que « le processus de parentalité » commence avec eux. Ils initient la conception de la future personne qu’ils considèrent comme leur enfant » (26). En d’autres termes, le projet parental, né de l’intention des commanditaires, fonctionne de façon analogue aux droits d’auteurs (cf. plus haut). C’est ce projet qui crée un droit des commanditaires sur l’enfant concrétisé par la filiation, venant directement décrédibiliser les procédures d’adoption comme ne résultant pas de « projet de parentalité » et disqualifier et nier le rôle de la mère porteuse.
L’article 4 de la « Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière en d’adoption internationale » (27) rappelle que le consentement de la mère, s’il est requis, ne doit être donné qu’après la naissance de l’enfant. Cette disposition vise à définir la frontière entre adoption et vente d’enfants. Or dans la GPA, la mère porteuse accepte par contrat, souvent avant même la conception, de remettre l’enfant aux commanditaires à sa naissance. C’est une pratique qui peut donc être qualifiée de vente d’enfants. Toutes les personnes impliquées dans la maternité de substitution enfreignent donc l’interdiction de disposer d’un être humain, pratiquent la vente d’enfant et en sont complices.
Qualifier la GPA d’option reproductive parmi d’autres
Selon ce rapport, la GPA serait une « option reproductive » (28) parmi d’autres, de la même façon que les femmes peuvent choisir leur contraception comme relevant d’une « liberté de choix en matière de reproduction et contraception » (29). Pour autant, le choix d’un mode de contraception et posé par les femmes elles-mêmes, en fonction de leur choix de vie, avec des effets sur leurs propres corps et sans l’implication d’une autre personne. Dans les cas de GPA, le choix requis ne met en jeu ni la vie, ni le corps des commanditaires, mais la vie, le corps et les droits d’une tierce personne, la mère porteuse. L’utilisation et l’exploitation d’une femme ne peut jamais être justifiée par une personne à l’abri des traumatismes adjacents à la pratique demandée. Le désir d’enfant, tout douloureux qu’il soit, ne peut jamais justifier l’utilisation et l’exploitation d’autrui.
L’amalgame fait ici entre droit à la contraception, à l’avortement et choix de reproduction par le biais de la GPA est extrêmement misogyne et procède d’un grand mépris pour les droits des femmes. Le droit à la contraception et à l’avortement sont deux droits fondamentaux quant à la liberté des femmes, contrairement à la GPA qui contribue à en exploiter les corps.
Présenter la GPA comme modèle de parentalité
Le rapport prétend aussi que les commanditaires semblent être des « parents montrant un niveau élevé de satisfaction et d’engagement émotionnel vis-à-vis de l’enfant » (30), ce qui contribuerait à ce que les « relations parents-enfants (soient) parfois meilleures » (31) (que dans les familles nées de toutes autres manières). Or, comment peut-être jugé le degré d’amour présent dans une famille ? Sur quoi repose une telle allégation ? Il est difficile de croire que les études sur lesquelles se base ce rapport aient été en mesure de démonter ce postulat. Nous savons d’ailleurs que toutes les études portant sur la parentalité issue de la GPA comportent un biais, elles n’intègrent jamais les cas d’abandon d’enfant..
Il est écrit que les enfants nés de GPA « semblaient (…) indifférents par rapport à leur mode de conception » (32). Nous avons mené une enquête auprès de plusieurs sites internet (33) qui récoltent la parole d’enfants nés de GPA. Dans leur majorité, ces blogs références des cas d’enfants désabusés face à la perte de leur origine, empreint à des sentiments de rejet de la part des donneur-es de sperme, ovules et mères porteuses et d’un sentiment de trahison vis-à-vis des commanditaires qui cachent souvent les formalités de la naissance. De plus le témoignage récent de Olivia Maurel, née de GPA, montre à l’évidence que tel n’est pas le cas (34).
Dans cet avis, les risques médicaux sont systématiquement sous-évalués et les séquelles psychologiques pour les mères porteuses et les enfants sont minimisées, de façon à faire paraître la GPA comme une pratique anodine. S’il est bien mentionné que « les risques médicaux et psychologiques possibles pour la femme gestatrice (doivent être consentis) de manière éclairée » (35) et qu’il doit y avoir des discussions préalables sur les « possibles interventions médicales (…) concernant les méthodes de surveillance de développement du fœtus et de son traitement éventuel » (36), les risques dont il est question ne concernent visiblement que le produit, c’est à dire le bébé, la femme est encore une fois oubliée. Les risques auxquels elle s’expose sont invisibilisés : pré-éclampsie, diabètes gestationnels, perte d’utérus, recours non indispensable à la césarienne (demandée par les commanditaires ou imposé par les agences), recours à des amniocentèses (à risque et parfois non nécessaire) et bien sûr le risque de mort…. Des décisions urgentes peuvent nécessaires en cours de grossesse, mais qui les prendra ? Dans la plupart des cas, ce sont les commanditaires qui revendiquent ce droit au détriment de la femme et son corps.
Les risques pour l’enfant sont également importants. Là encore, partant d’un contrat initial de projet d’enfant, la temporalité de la grossesse et les aléas de la reproduction changent la donne.
Conclusion
Ce rapport est donc totalement de parti pris puisqu’il n’y a aucune remise en question de la maternité de substitution comme pouvant être une pratique à la fois dangereuse et répréhensible. Il est exclusivement formulé en faveur des clients, donc du marché et ne prend jamais en compte l’ensemble des parties prenantes à la procédure, en particulier les mères porteuses et les enfants qui en naisses dont l’intérêt supérieur n’est jamais d’être « échangé contre un chèque » (37).
Cet avis pourrait être qualifié de “cas d’école” néolibéral en faveur de la GPA. Le curseur a été poussé très loin en faveur de la libéralisation de la GPA, ce qui risque d’orienter très fortement dans le sens de cette position dépourvue d’objectivité. Les opposant.es qui se mobiliseront devront s’efforcer de ramener les débats sur un terrain plus sensé et respectueux du droit des humains des femmes et des enfants.
(1) Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique à consulter sur https://www.health.belgium.be/fr/avis-ndeg-86-encadrement-legal-de-la-gestation-pour-autrui, p.4
(2) Ibid.
(3) Ibid, p.5
(4) Ibid, p.6
(5) Ibid, p.7
(6) Ibid, p.8
(7) Site Europol : https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/66-suspected-of-arranging-illegal-adoptions-and-surrogacies-and-human-egg-trafficking-in-greece.
(8) http://abolition-ms.org/observatoire/royaume-uni/
(9) Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique à consulter sur www.health.belgium.be/bioeth, p.8
(10) https://www.youtube.com/watch?v=5-SaT3VsAwA Écoutez à 4’:58”et 5’:38”
(11) 3 Ibidem § 3.2.2, pp. 9
(12) Ibidem § 4.2., pp. 16.
(13) Ibidem § 3.2.2, pp. 9
(14) Ibidem § 4.1, pp. 15. « Le Comité réitère le point de vue exprimé dans l’avis précédent selon lequel la GPA est une question de solidarité collective et interindividuelle à l’égard de personnes qui ne peuvent pas procréer sans l’aide d’une tierce personne » (14) tout en rappelant que « la satisfaction d’un désir d’enfant est un élément essentiel d’une vie épanouie » (14).
(15) Ibidem § 3.2.3, pp. 10
(16) Ibidem § 3.2.2, pp. 9
(17) N.B. Bien que le transfert d’embryon soit, à proprement parler, la transplantation d’un groupe de cellules dans le corps d’une personne receveuse – la mère porteuse -, il est exclu de la notion de don, et donc des principes bioéthiques régissant les transplantations au niveau international. Cela entraîne que les commanditaires restent les propriétaires de l’embryon lorsqu’il a déjà été transplanté -transféré- dans le corps de la receveuse ; qu’ils en restent propriétaires pendant la gestation du fœtus et qu’ils exigent sa restitution après la gestation et la naissance, ce qui fait de la mère porteuse une couveuse d’embryons et de l’enfant un produit fabriqué à la demande, tous les deux privés de leur dignité de personne
(18) Ibid.
(19) https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2007-1-page-1.htm
(20) Institut européen de bioéthique, URL : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/debut-de-vie/gestation-pour-autrui/la-cedh-donne-raison-a-l-italie-lui-permettant-de-s-opposer-a-une-gpa-internationale-1182.html?backto=bulletin
(21) Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique à consulter sur www.health.belgium.be/bioeth, p.13
(22) Ibid.
(24) Ibid. p.14
(25) Ibid.
(26) Ibid. p.14
(27) Article 4 (2-3) : https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=69
(28) Ibid p.16
(29) Ibid.
(30) Ibid p.18
(31) Ibid.
(32) Ibid.
(33) http://theothersideofsurrogacy.blogspot.com/ ; http://theothersideofsurrogacy.blogspot.com/ ; https://anonymousus.org/i-found-my-bio-mom-and-couldnt-be-happier/
(34) https://www.facebook.com/surrogacy.abolition/videos/3352495001637892
(35) Avis n°86 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique à consulter sur www.health.belgium.be/bioeth, p.16
(36) Ibid.
(37) Sentiment exprimé par Olivia Maurel, cf. lien précité.