En octobre 2021, le Réseau européen des femmes migrantes publie un rapport important sur la réalité de la santé mentale des femmes migrantes. isala est fière d’y avoir contribué en partageant sa réalité de terrain.
Notre association est membre du Réseau européen des femmes migrantes, la plus grande plateforme européenne menée par des femmes migrantes et dédiée aux droits, à la dignité et aux libertés des femmes et filles migrantes et réfugiées. Dans le cadre de son travail de sensibilisation et de plaidoyer, le Réseau a décidé d’étudier la santé mentale des femmes migrantes en Europe et leur accès aux soins de santé mentale.
isala a pu contribuer en partageant son expérience de terrain en Belgique, auprès de femmes en situation de prostitution : le système de prostitution et les exploiteurs recherchent toujours les plus vulnérables, et les femmes et les filles migrantes et issues de minorités sont les meilleures cibles pour l’industrie du sexe. Ainsi, l’action d’isala vise principalement à accompagner et soutenir des femmes migrantes, y compris dans l’accès aux soins de santé.
« Toute la stratégie d’exploitation vise directement l’estime de soi de ces femmes et filles : la manipulation, les fausses promesses, les violences, les menaces sur la famille et l’isolement visent à briser leur identité et à les transformer en objets. En raison des violences sexuelles répétées et de la situation de la prostitution, de nombreuses femmes se sentent détachées de leur corps. Nous avons vu des femmes qui ont clairement des problèmes de santé. Certains problèmes sont visibles, vous voyez que les dents sont en très mauvais état ou une posture révélatrice de maux de dos, mais elles n’en parlent pas. D’autres problèmes sont invisibles pour les personnes qui ne sont pas formées pour travailler avec les victimes de la prostitution et des violences sexuelles, mais ces impacts sont néfastes, ils affectent les femmes dans leur capacité à reprendre confiance en elles. Certaines femmes que nous avons aidées à sortir de la prostitution ont commencé à avoir des problèmes de santé par la suite. Elles sont enfin allées chez un médecin pour soigner quelque chose qu’elles refoulaient depuis longtemps. Le corps garde ses blessures et quand les femmes sortent de la prostitution, le corps demande des soins. Il peut être très difficile pour elles de faire face à des problèmes de santé, mais c’est aussi une étape pour reprendre le contrôle de leur vie et de leur corps. »
L’accès aux soins de santé mentale reste un grand défi pour les personnes, comme pour les associations qui les accompagnent : « Le problème est que la psychologie et d’autres formes de traitements de santé mentale ne sont pas considérées comme des actes médicaux de base pour le grand public, et encore moins pour les femmes migrantes et réfugiées. Consulter une psychologue coûte cher, et c’est encore considéré comme une « chose bizarre à faire » par de nombreuses personnes. Il est également très difficile de trouver des professionnels de la santé qui parlent la langue, qui soient féministes et qui n’aient pas de préjugés. »
Dans ce contexte, notre association développe des activités qui vont petit à petit redonner confiance en soi, ouvrir à la possibilité de s’occuper de soi: « C’est pourquoi nous proposons une diversité d’activités aux femmes, à commencer bien sûr par une écoute sans jugement, mais aussi de la danse ou de la peinture, des discussions sur les droits des femmes, des promenades en forêt, pour qu’elles prennent du recul et reprennent confiance en elles. »
Le rapport, à lire ici en français, présente également le témoignage de Gabriela, une femme accompagnée par isala.
Le rapport donne un aperçu des différents troubles mentaux que connaissent les femmes migrantes, illustrés par les analyses des autres associations membres du Réseau européen des femmes migrantes et liés aux différentes phases de migration, qu’il est important de comprendre car l’action de migrer impacte directement le bien-être des personnes, de différentes manières selon le contexte et les violences subies avant/pendant/après.
Le rapport permet également de mieux comprendre les facteurs de risque pour les femmes migrantes et réfugiées, et de développer des réponses plus adaptées, y compris sur la base d’une vision féministe de la psychologie et des soins. Il développe toute une série de recommandations pour que l’accès aux soins soit possible et respectueux des femmes migrantes. Enfin, il propose des ressources intéressantes pour s’informer et pour agir auprès des femmes en situation de migration.
Voici la conclusion de notre ancienne directrice et présidente, Pierrette Pape, ajoutant une recommandation clé pour l’accès aux soins de santé des femmes migrantes ayant un vécu prostitutionnel : « Vous allez me demander pourquoi ces femmes ne parlent pas de leur situation. Parce que les femmes ne sont pas crues. Et parce qu’on ne les croit pas, elles ne font pas confiance aux gens pour les aider. Si nous avions un nouveau système où l’on croyait les femmes, ce serait un immense pas en avant pour elles, car elles pourraient avoir confiance en elles et être convaincues que le système en place peut réellement les soutenir. Tant que les sociétés ne reconnaîtront pas la violence sexuelle et la prostitution comme des violations des droits humains, les femmes et les filles piégées dans l’industrie du sexe se verront refuser leurs droits fondamentaux. Nous devons reconnaître, en tant que société, que la prostitution est contraire à l’égalité entre les femmes et les hommes ; ce faisant, tous les services, y compris le soutien en santé mentale, feront partie de programmes de sortie complets et solides pour soutenir les victimes et les survivantes, et pour perturber le système de prostitution. »
EN décembre 2021, Pierrette Pape et Mireia Crespo, directrice d’isala, ont présenté leur analyse lors de la 30e session du Migrant Women Reality Watch, une série live Facebook du Réseau européen des femmes migrantes qui donne la parole à ses membres et aux femmes migrantes. Regardez cette session dédiée à la réalité de terrain en Belgique :